III) Les différents types de supraconducteurs

1)critère de classement :

Bien qu'historiquement les premiers supraconducteurs furent des métaux simples (mercure, plomb, aluminium...), les recherches ultérieures ont montré que les matériaux possédant cette propriété pouvaient être de nature diverse : métaux simples ou complexes, organiques ou non-organiques, céramiques, oxydes. Mais les critères retenus pour leur classification font appel à une propriété spécifique.

Les différences se retrouvent au niveau de deux des trois paramètres essentiels à la supraconductivité : le courant critique Ic et le champ critique Hc. Ces paramètres critiques fixent une limite au-delà de laquelle le matériau perd ses performances supraconductrices.

Dès les premières expériences, les chercheurs ont montré que la supraconductivité est détruite par un champ magnétique externe élevé. Outre la Tc, un second facteur limitant était découvert.

Lorsqu'on trace le champ magnétique interne H (l'induction) en fonction du champ magnétique externe B, les courbes donnent deux comportements différents. Ceux-ci définissent les deux types de supraconducteurs.

2)Supraconducteurs de type I :

Ils ne possèdent qu'un seul champ critique Hc, et leur diamagnétisme est parfait. Presque... Car en réalité, l'induction magnétique pénètre sur une épaisseur l L, appelée longueur de London, sur laquelle se développent des "supercourants" d'écrantage. l L est de l'ordre de quelques dizaines de nanomètres (quelques dizaines de milliardièmes de mètre) dans des supraconducteurs classiques.

Une conséquence du diamagnétisme "parfait" de ces matériaux est l'effet Meissner : un corps parfaitement supraconducteur (donc de type I) repousse tout champ magnétique extérieur, d'où un effet de lévitation possible. Très spectaculaire, ce phénomène est utilisé au Japon par un prototype de train à grande vitesse.

Le courant critique est celui qui crée le champ Hc, s'ajoutant au champ magnétique extérieur. Dans ces matériaux la répartition du courant n'est pas homogène. Le courant circule uniquement en surface, dans l'épaisseur de London.

Le comportement d'un tel supraconducteur est relativement simple du fait de l'existence d'un seul champ critique : seuls deux états sont possibles, l'état supraconducteur avec effet Meissner, et l'état normal où le matériau retrouve une résistivité élevée.

Une autre caractéristique est qu'un supraconducteur ne peut être soumis à une force de Lorentz : l'effet Meissner interdisant à tout champ magnétique de pénétrer, celui-ci ne peut participer à la force de Lorentz.

3)Supraconducteurs de type II :

Ces supraconducteurs possèdent deux champs critiques Hc1 et Hc2, le second étant nettement plus élevé que le premier (jusqu'à plusieurs centaines de teslas dans les oxydes !). Ceux-ci présentent en outre des valeurs plus élevées de température, de champ et courant critiques.

La présence de deux champs critiques rend les choses plus compliquées. Trois zones sont à considérer :

L’état mixte est difficile de décrire. En dépit de 50 ans de recherches, les scientifiques commencent seulement à cerner dans son ensemble les propriétés de cet état. Un certain nombre de points importants sont d'ores et déjà précisés.

La plus importante caractéristique de l’état mixte est que le diamagnétisme n’y est pas parfait : bien qu’étant supraconducteur, le matériau est pénétré par un champ magnétique externe ; l'effet Meissner est détruit. Cette induction peut être facilement observée avec de la poudre de fer (ou toute substance magnétique). De même que l’on observe dans le cas d’un aimant les lignes de champs magnétiques, on observe ici les points de passage de l’induction. Ce sont bien de points de passage car la répartition n’est pas homogène. L’induction pénètre ponctuellement par un ensemble de "tubes" appelés vortex.

Ces vortex sont la clef de l’état mixte : le vortex est le centre de dissipation d’énergie.

Grandeurs caractéristiques d’un vortex

Un vortex est un petit cylindre parallèle au champ magnétique extérieur (ceci est d'autant plus valable que la température est proche du zéro absolu, sinon le parallélisme est de moins en moins évident). Chaque vortex porte le même quantum de flux magnétique F 0  dont la valeur est :

Un vortex est caractérisé par deux autres grandeurs : la longueur de London l L et la longueur de cohérence x . Ces deux grandeurs sont les grandeurs caractéristiques du vortex. Comme on le voit sur le dessin, le vortex est constitué de deux cylindres coaxiaux, de rayons respectifs l L et x . Le cœur de chaque vortex est normal. Dans la zone qui l’entoure (bleue), circulent sans perte des courants qui écrantent l’induction. Ces courants, également appelés supercourants, se développent sur une épaisseur de l’ordre de la longueur de London l L . Ces courants tourbillonnaires sont à l’origine du nom "vortex".

Le type du supraconducteur est déterminé par ces paramètres :


Contrairement aux supraconducteurs de type I, qui ne présentent aucune résistance au passage d'un courant (inférieur à Ic), les supraconducteurs de type II peuvent en posséder une. En effet, le cœur des vortex est normal. Il contient des électrons normaux, qui interagissent avec le milieu. En présence d’un champ magnétique extérieur, ceux-ci sont soumis à la force de Lorentz.

Les électrons en mouvement entraînent les vortex. Cette force dissipe de l’énergie dans le matériau, et par conséquent participe au réchauffement du matériau. A titre d’exemple, une énergie de 0,1 J/cm3 conduit à une élévation de température de 20 K ! Dans certains cas, celle-ci est suffisante pour entraîner la disparition de la supraconductivité. Ceci met en évidence le troisième facteur limitant de la supraconductivité : le courant critique Ic.

Par définition, Ic est le courant qui crée une force de Lorentz supérieure aux forces d’ancrage des vortex, qui alors se déplacent.

De même qu’il faut une certaine énergie pour pousser une voiture, si la force de Lorentz l'emporte sur l’inertie des vortex, ceux-ci se mettent en mouvement avec pour conséquence la dégradation de la supraconduction.

Pour éviter cet effet pervers, il faut piéger les vortex, les ancrer. Comme les vortex sont "chargés", il suffit de minimiser cette charge. Or aucun matériau n’est parfait ; il existe des imperfections (impuretés, inhomogénéités, défauts...). Ces défauts peuvent posséder une charge pouvant servir à ancrer les vortex. Les centres de piégeage dépendent de la nature des défauts du matériau. Leur efficacité est maximale lorsque leur taille est comparable à celle des vortex, soit x . Les vortex qui, à l’origine, sont des cylindres parallèles au champ magnétique, passent par les impuretés qui minimisent leur énergie. De plus il n’est pas nécessaire que tous les vortex soient piégés. Comme ils forment un réseau triangulaire, il suffit de bloquer quelques vortex pour les bloquer tous. On a alors un régime dans lequel ils forment un cristal.

Lorsque le courant dépasse la valeur critique Ic, les vortex sont arrachés de la position primitivement stable. On passe alors à un régime d'écoulement : il existe un mouvement global du réseau. Libérés, les vortex se déplacent. Ils sont freinés par des forces de type visqueux, comme dans un fluide (un liquide). Une certaine résistivité apparaît,r f, appelée résistivité de "flux flow".

Remarque : Un supraconducteur de type II idéal (sans défauts), ne peut ancrer ses vortex et se trouve toujours en régime de "flux flow" dans l’état mixte.